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Blog d'une Serial Reader
24 juillet 2011

Herbjørg Wassmo, La septième rencontre

La-septieme-rencontre« C’est le destin qui distribue les cartes, mais c’est nous qui les jouons. » (Randy Pausch)
Quatrième de couverture :
Rut et Gorm sont des enfants du grand Nord norvégien, un pays de mer, de travail et de silence. Issus de milieux différents, solitaires par obligation et victimes de la rigueur morale de leurs familles respectives, leurs rencontres ne pouvaient être que fortuites et éphémères. La première eut lieu alors qu'ils n'avaient que neuf ans. Elle les a marqués pour toujours. Depuis, ils ne se sont croisés que cinq fois et jamais ils n'ont pu approfondir cette relation distante et pourtant réconfortante. Ils ont désormais la trentaine. Rut est devenue une artiste réputée, Gorm un homme d'affaires respectable. C'est leur septième rencontre. Peut-être leur dernière chance…

*****

La septième rencontre est le premier livre d’Herbjørg Wassmo que je lis, et pourtant cette écrivain norvégienne, notamment connue pour ses trilogies – Tora, ou encore Le livre de Dina –  est très célèbre, particulièrement dans les pays scandinaves. Avec La septième rencontre, elle nous offre une vraie plongée au fin fond de la Norvège. Dépaysant !

Au cœur de cette histoire, deux personnages que nous suivons de l’enfance à l’âge adulte. D’un côté, nous avons Rut, née sur une petite île du Grand Nord de la Norvège. La vie là-bas est rude et solitaire. Tout le monde se connaît et sait tout à propos de tout le monde – autant dire qu’aucun faux-pas n’est permis. Rut vient d’une famille austère, fille d’un prédicateur – qu’elle appelle toujours ainsi et non papa –, et d’une mère soumise, comme le sont ou doivent l’être toutes les femmes de l’île. Elle un frère jumeau, Jorgen, retardé mental sur lequel elle veille en étant persuadée qu’il est ainsi parce que c’est elle qui est née en premier. Sa vie devrait être toute tracée – rester vivre sur l’île, se marier et être une bonne épouse fidèle et soumise –, mais grâce à sa grand-mère, qui est consciente de son potentiel, elle part étudier sur le continent et devient institutrice avant de se consacrer uniquement à sa passion, la peinture, qu’elle doit à Michael, un Anglais venu vivre sur l’île. Cette partie du roman est très intéressante car elle nous montre à quel point c’est difficile de vivre sur une petite île ainsi, coupé du continent, où les moindres faits et gestes sont connus et jugés de tous, aucun faux-pas n’étant pardonné. Et puis le fait pour beaucoup de ne jamais quitter l’île et de devoir se conformer à un mode de vie strict et sans grandes perspectives d’avenir. La passion de Rut pour la peinture n’a clairement pas sa place dans un tel lieu. Pas étonnant qu’elle s’y sente à l’étroit et profite de l’occasion que lui offre sa grand-mère pour s’enfuir et mettre des années avant d’y remettre les pieds !

De l’autre côté, il y a Gorm, qui vient d’une famille plutôt aisée et bourgeoise. Son père, qui est directeur d’un grand magasin, est un homme assez froid qui n’est pas heureux dans son mariage, tandis que sa mère, dépressive, l’étouffe à force de vouloir le protéger. Quant à ses sœurs, la relation qu’il a avec elles est assez difficile à cerner, voire ambiguë par moment. Étant le seul garçon de la famille, son avenir est tout tracé : c’est lui qui reprendra un jour le magasin familial. Gorm décide de partir en mer et est engagé comme mousse, bien qu’il soit presque trop âgé pour ça, et ne revient que quelques années plus tard, à la mort de son père, afin de diriger le magasin.

Rut et Gorm ont neuf ans lors de leur première rencontre, qui va les marquer à jamais. Au fil des ans, ils vont avoir l’occasion de se recroiser, mais ce seront des rencontres furtives car à chaque fois les circonstances les empêchent de creuser ce qu’il y a entre eux. Pourtant, ils sont faits l’un pour l’autre, ils le savent, et même si ces rencontres sont brèves, ils pensent souvent l’un à l’autre. Ils ont des parcours assez similaires, finalement : ils se marient chacun de leur côté, avec quelqu’un qui, forcément, n’est pas leur grand amour, et finissent par divorcer avant d’avoir une relation avec quelqu’un qui, là non plus, n’est pas encore la bonne personne. Ils ont aussi chacun un enfant qu’ils ne voient pas souvent.

Forcément, ce livre fait penser à La solitude des nombres premiers de Paolo Giordano : deux personnes solitaires, amoureuses l’une de l’autre mais qui ont des difficultés à être ensemble ; un personnage avec un frère/une sœur handicapé(e) mental(e) ; un personnage féminin qui n’aime pas manger et n’a pas envie de devenir mère… Mais malgré ces similitudes, les deux livres sont fondamentalement différents. Dans La solitude des nombres premiers, Mattia et Alice ont un vrai blocage affectif. Lorsqu’ils sont loin l’un de l’autre, ils imaginent tous ce qu’ils vont dire et faire quand ils se retrouveront : s’avouer qu’ils s’aiment, être ensemble pour de vrai. Mais une fois qu’ils se voient, ils renoncent, n’osent pas, pense que ce n’est pas une si bonne idée, et au final – attention spoiler ! – ils ne seront jamais ensemble. Avec Rut et Gorm, c’est différent : ils se sont reconnus comme étant des âmes sœurs, mais à chaque fois qu’ils se voient, il y a toujours quelque chose dans le chemin, comme être déjà marié à quelqu’un d’autre. Certes, on a l’impression qu’ils n’essayent pas vraiment, qu’ils pourraient essayer de se retrouver, ou se dire « tant pis pour mon mari/ma femme, c’est lui/elle que j’aime » (de toute façon, leur vie évolue de telle manière qu’ils ne voient pas souvent leur enfant, avec qui ils ne sont pas très proches). Mais voilà, au début ils sont jeunes et il leur faut le temps de comprendre ce qu’ils ressentent. Et puis, ils ont leurs vies à gérer, et leur éducation ne leur permet pas forcément de faire tout ce qu’ils voudraient – pensons à Rut et à l’éducation stricte qu’elle a reçue, étant la fille d’un prédicateur et vivant sur une île où l’adultère est le pire péché qui soit. Mais voilà, malgré tout ça, La septième rencontre est plus « positif » dans un sens que La solitude des nombres premiers, et Rut et Gorm finiront par se dire ce qu’ils éprouvent.

J’ai beaucoup apprécier ce livre, ainsi que les personnages de Rut et Gorm qui m’ont beaucoup touché. J’ai particulièrement aimé toute la première partie – en gros leur enfance et adolescence. Après, j’avoue que j’ai trouvé qu’il y avait quelques longueurs par moments, mais c’est que leurs vies sont racontées avec moult détails, et ce roman, comme on pourrait le croire, n’est pas du tout juste la succession de leurs sept rencontres, loin de là ! L’essentiel se passe au contraire entre ces rencontres. Malgré ça, c’est une très belle histoire que je vous conseille vivement de lire !

Herbjørg Wassmo, La septième rencontre (1994)
10/18, 569 pages. Traduit du norvégien par Luce Hinsch. 
Titre en V.O. :
Det sjuende møte.

En écoute : Farewell to the fairground _ White Lies

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