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Blog d'une Serial Reader
13 juillet 2011

Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours

Aupres de moi toujours« La fatalité triomphe dès que l’on croit en elle. » (Simone de Beauvoir)

Quatrième de couverture :

Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix ; une école idyllique, nichée dans la campagne anglaise, où les enfants étaient protégés du monde extérieur et élevés dans l'idée qu'ils étaient des êtres à part, que leur bien-être personnel était essentiel, non seulement pour eux-mêmes, mais pour la société dans laquelle ils entreraient un jour. Mais pour quelles raisons les avait-on réunis là ? Bien des années plus tard, Kath s'autorise enfin à céder aux appels de la mémoire et tente de trouver un sens à leur passé commun. Avec Ruth et Tommy, elle prend peu à peu conscience que leur enfance apparemment heureuse n'a cessé de les hanter, au point de frelater leurs vies d'adultes. Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent de près aujourd'hui : la perte de l'innocence, l'importance de la mémoire, ce qu'une personne est prête à donner, la valeur qu'elle accorde à autrui, la marque qu'elle pourra laisser. Ce roman vertigineux, porté par la grâce, raconte une histoire d'humanité, de conscience et d'amour dans l'Angleterre contemporaine. Ce chef-d'œuvre d'anticipation est appelé à devenir le classique de nos vies fragiles.

*****

Difficile de faire une critique digne de ce nom sans aborder le sujet de cette histoire, et pour le coup, si vous faites encore partie de ces gens qui n’ont pas lu le livre ni vu le film et qui ne savent pas non plus de quoi il retourne, par pitié faites demi-tour immédiatement, allez louer le film – pour moi bien meilleur que le livre – et regardez-le en ayant toujours cette ignorance du sujet, l’impact n’en sera que plus fort pour vous.

Difficile aussi pour moi de faire en même temps la critique du livre et celle du film. Vous allez me dire, vu que j’ai lu le livre d’abord, je n’avais qu’à faire ma chronique avant de voir le film. C’est pas faux ! Procrastination, quand tu nous tiens…

Le fait est que le livre m’a fait un drôle d’effet. Comment vous expliquer ça ? Disons que je n’ai pas particulièrement accroché sur le moment. Tout était assez long à se mettre en place et j’attendais toujours le moment où ça allait décoller, où on allait nous dire les choses clairement, sauf que les choses ne décollent jamais vraiment et que l’explication est très tardive. Au lieu d’aller droit au but, Ishiguro nous donne moult détails dont on se serait bien passé. La lecture en elle-même ne fut pas forcément plus plaisante que cela, et ça n’a pas été un de ces livres pour lesquels on attend avec impatience le moment de s’y replonger pour poursuivre sa lecture.

Mais voilà, c’est une histoire qui m’est restée bien après ma lecture, et je n’ai cessé d’y repenser et d’y réfléchir, lui trouvant après coup des qualités. En voyant le film hier, j’ai mieux compris ce qui cloche dans le livre. L’histoire est bonne, et son traitement aussi, mais je n’ai pas trouvé d’émotion dans le livre, comme s’il était désincarné. Et c’est vraiment dommage, d’avoir une si bonne idée et de la mettre en pratique de cette façon. Heureusement, Mark Romanek a décidé de porter cette histoire à l’écran et a réussi, alors que l’intrigue est rigoureusement la même, a lui redonner toute son (in)humanité. Mais poursuivons cette critique dans la partie qui lui est concernée.

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Quid de l'adaptation cinématographique ?never_let_me_go_300

Adaptation réalisée en 2010 par Mark Romanek, avec Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, Nathalie Richard, Domhnall Gleeson, Isobel Meikle-Small, Ella Purnell et Charlie Rowe. Durée : 1h43.

Bande-annonce ici

À quelques petits détails près – quelques omissions qui ne sont pour la plupart que des longueurs dont on peut aisément se passer, l’histoire est exactement la même dans le film et dans le roman. Dans cette deuxième partie de ma critique, je vais donc vous parlez d’une part de l’histoire elle-même, chose que je fait d’habitude dans la partie réservée au roman, et d’autre part du film en particulier et de ce qu’il apporte à l’histoire par rapport au livre.

Tout d’abord, il s’agit d’une histoire de science-fiction, mais qui ne ressemble pas à de la sf. Je m’explique : certes, en général les histoires de sf se passe plutôt dans le futur alors qu’ici nous sommes dans le passé, mais il s’agit d’un passé alternatif où la science médicale aurait fait des avancées considérables, permettant à la population d’avoir une espérance de vie dépassant les 100 ans. Cette espérance de la vie, elle la doit à des clones, « fabriqués » et « élevés » dans le seul but de devenir des donneurs d’organes. Là où ça diffère de la sf classique, c’est d’une part que ce monde ressemble tout à fait au nôtre tel qu’il était dans les années 60 : on ne voit ni robots ni technologie avancée ; le fait même d’avoir placé l’action dans les années 60 donne au contraire un côté désuet, bien loin de l’image qu’on a de la sf. Il n’y a rien de spectaculaire, tout est dans les non-dits. Aucune révolte non plus. Et finalement, ça fait qu’on prend d’autant plus conscience de l’horreur de ce qui est en train de se passer.

Cette horreur est, je trouve, beaucoup mieux rendue dans le film, notamment par des détails qu’il nous montre, et puis par son atmosphère. J’ai eu la chance de regarder le film avec ma mère, qui ne savait pas de quoi il parlait, et j’ai moi-même essayé de le voir avec des yeux nouveaux, comme si je ne savais rien, et je me suis aperçue de la manière dont le malaise s’installe, des petits indices qui sont semés ici et là et nous font nous demander ce qui se passe. On nous dit que les élèves de Hailsham sont spéciaux, qu’ils doivent rester en bonne santé ; on les voit prendre une médication sans savoir ce que c’est, et subir des visites médicales où la moindre ecchymose est regardée de manière suspecte. Et puis leur obéissance, leur docilité. Lorsqu’on apprend ce qu’il se passe, un peu plus tard, on comprend qu’ils ont toujours été dans cet environnement et qu’on a pu les « modeler » pour qu’ils soient ainsi, mais je n’arrive malgré tout toujours pas à comprendre comment c’est possible. Même Miss Lucy, la nouvelle – non pas institutrice, ni même, ce qui serait encore plus approprié, geôlière – gardienne, alors qu’elle en sait beaucoup plus que nous sur la question, est étonnée de leur comportement : aucun d’eux n’ira rechercher le ballon tombé de l’autre côté de la clôture car c’est interdit, interdiction renforcée par des rumeurs selon lesquelles il serait arrivé d’horribles choses aux élèves s’étant un jour aventurés au-delà de ces clôtures. On se rend compte en même temps que Miss Lucy que ces enfants n’agissent pas en tant que tels, qu’on ne les laisse pas agir en tant que tels. Non seulement c’est horrible, surtout quand on sait quel sera leur destin, mais je le redis : je ne comprend pas comment une chose pareille est possible. Même si on les a endoctriné pour qu’ils soient obéissant, même si on leur fait peur avec des rumeurs, ce sont toujours des enfants, avec leur propre personnalité, leur instinct, leur envie/besoin de faire des découvertes par eux-mêmes, de s’amuser. Comment ont-ils réussi à leur enlever ça ? Leurs donnent-ils des pilules à cet effet ? Bon sang, j’en frémis !

Cette docilité ne va pas être la chose à étonner Miss Lucy. Car si les élèves de Hailsham savent pourquoi ils ont été créés, ils n’ont pas conscience de ce que ça signifie vraiment. Et quand la pauvre Miss Lucy, qui trouve ce manque d’informations incompréhensible et honteux, va vouloir y remédier, estimant que les élèves ont le droit de savoir, elle va se faire virer, bien évidemment…

Malgré les informations données par Miss Lucy, on n’a pas l’impression que les élèves ont compris, qu’ils ont cerné toute l’horreur et l’injustice de la situation. Même plus tard, lorsqu’ils auront quitté Hailsham, leur docilité ne les quittera pas. Pas un instant ils ne songent à se révolter contre le destin qui a été choisi pour eux. Et pourtant, lorsqu’ils entendent parler de la fameuse rumeur qui dit que si un garçon et une fille sont vraiment amoureux et peuvent le prouver ils pourraient avoir droit à un sursis de quelques années pour vivre ensemble, l’espoir est bel et bien là. Même Kathy, la plus rationnelle, se prend à espérer.

Les élèves finissent par quitter Hailsham pour s’installer dans divers endroits où ils devront vivre jusqu’au moment de leur premier don, et c’est là qu’on se rend compte qu’ils n’ont jamais rien connu d’autre et que le monde extérieur leur est totalement étranger. Dès lors, on comprend mieux l’utilité de ces cours où les élèves devaient prétendre être dans un café et passer commande. Kathy, Tommy et Ruth ne réagissent pas de la même façon à ce monde extérieur. Ruth veut s’intégrer par dessus-tout et ne veut pas montrer son ignorance. Cela se voit notamment alors qu’ils regardent une série tv – le genre de sitcom où on entend les rires du public – pour la première fois : aucuns des trois ne comprend ce qu’il y a de drôle, mais Ruth, voyant que les autres rient, les imite et rit également. Ce que je demande après coup, c’est si les autres – c’est-à-dire les autres élèves de Hailsham ou d’autres écoles similaires qui en sont juste sortis depuis plus longtemps – rient parce qu’ils comprennent et trouvent ça drôle, ou juste parce que, entendant les fameux rires du public, ils se disent que c’est ce qu’ils sont censés faire. Je me pose cette question car Kathy remarque que depuis qu’ils sont là, Ruth s’est mise à avoir certains gestes envers Tommy qu’elle n’avait pas avant. Ces gestes, Ruth les copie sur ceux que Chrissie a envers Rodney, si ce n’est que Chrissie copie elle-même ces gestes sur ceux qu’elle a vu dans les séries tv. Où est la réalité, la spontanéité ? Kathy, elle, ne se sent pas forcée de faire quoi que ce soit juste pour faire comme les autres. Peut-être a-t-elle l’air plus seule, plus paumée, mais au fond paumés ils le sont tous, ils essayent juste de faire croire que ce n’est pas le cas.

Kathy finit par quitter les Cottages pour devenir accompagnante – ce que les futurs donneurs peuvent choisir de devenir en attendant d’effectuer eux-mêmes leurs dons et qui consiste à accompagner les donneurs puisqu’ils n’ont pas de famille – et va rester à peu près 10 ans sans revoir Ruth et Tommy, qui eux-mêmes ne se reverront pas une fois qu’ils auront quitté les Cottages pour commencer leurs dons. Kathy est toujours accompagnante et Ruth et Tommy en sont tous les deux à leur deuxième don lorsque Kathy se retrouve par hasard dans le même hôpital que Ruth et qu’elles vont ensemble retrouver Tommy. Cette troisième partie surtout dans le film, est assez éloquente sur la manière dont sont considérés et traités les donneurs, et sur la manières dont eux-mêmes se perçoivent et vivent les dons. Il est dit qu’en général, les donneurs terminent – car les donneurs ne meurent pas, ils « terminent », doux euphémisme et bel exemple des non-dits qui les entourent en permanence – aux alentours de leur troisième ou quatrième don, et on s’aperçoit qu’ils font des pronostics entre eux pour savoir jusqu’à quand ils vont tous tenir. Ceux qui terminent « prématurément », à leur premier ou deuxième, sont assez mal vus, mais Ruth et Tommy sont persuadés que ça arrive plus souvent qu’on le leur dit.

On pourrait croire qu’ils ont oublié la rumeur du « sursis pour les amoureux », mais ça n’est pas le cas, et Kathy et Tommy vont finalement se décider à aller voir Madame. Lorsqu’ils étaient à Hailsham, Madame venait de temps en temps et repartait avec des œuvres réalisées par les élèves pour sa « galerie ». Personne n’a jamais su pourquoi, mais Tommy a toujours été persuadé que c’était pour pouvoir juger leur âme le jour où, peut-être, ils viendraient lui demander un sursis. Une manière de déterminer s’ils sont vraiment amoureux ou pas. Tommy n’ayant jamais eu d’œuvre sélectionnée pour la galerie, il prend bien soin d’emmener avec lui certains des dessins qu’il n’a cessé de réaliser depuis qu’il a quitté Hailsham. Mais bien sûr, une fois arrivés chez Madame, où vit également Miss Emily depuis que Hailsham a fermé ses portes, l’espoir s’effondre. Non seulement la rumeur est fausse, mais la galerie n’a jamais servi à examiner leurs âmes : elle était là pour savoir SI ils en avaient une. Le problème, c’est que personne ne leur avait demandé de prouver quoi que ce soit, et en effet, s’ils ont une âme, personne n’a envie de le savoir car cela impliquerait de devoir renoncer à cette fameuse espérance de vie de plus de 100 ans. Honnêtement, on se croirait revenus à la Controverse de Valladolid, lorsque Bartholomé de las Casas et Juan Ginés de Sepúlveda débattaient de la question de savoir si les Indiens d’Amérique avaient ou non une âme, et si de fait ils étaient des animaux dont on pouvait faire ce qu’on voulait ou bien s’ils devaient être traités comme des humains. On apprend également que depuis la fermeture d’Hailsham, les autres établissements du même genre sont devenus de vrais élevages en batterie.

Là encore, pas de révolte. Je pense que Kathy le savait, mais ça ne l’empêche pas d’être déçue, quant à Tommy, il y croyait tellement. Malgré tout, ils ne rétorquent rien. Ils se contentent d’encaisser cette réponse et de s’en aller en les remerciant. Tommy, qui avait des crises de colère étant enfant – seule chose qui le distinguait des autres – va crier et laisser sortir son désespoir, et croyez-moi que ce cri m’a briser le cœur. Mais bien sûr, ce cri il le poussera dans un lieu isolé, sur une route entourée d’arbres, avec Kathy pour seul témoin.

J’ai été extrêmement choquée par la scène où Ruth meurt – « termine », pardon – lors de son troisième don. Elle a les yeux ouverts pendant l’opération, et elle « termine » juste au moment où on a fini de lui prélever son organe. Et les docteurs la laisse là. Ils ne la referment pas, ne lui ferment pas les yeux, ne la recouvrent pas d’un drap, ne prononcent sans doute pas non plus l’heure de la mort. Ils se contentent d’éteindre les lumières et de s’en aller. Non seulement c’est irrespectueux au possible, preuve que pour eux les donneurs ne sont rien de plus que des réserves d’organes, mais en plus on serait en droit de croire que les médecins vont prélever tout ce qu’ils peuvent pour faire le plus de dons possibles, or ce n’est pas le cas. Voilà pourquoi ceux qui « terminent » après le premier ou le deuxième don sont mal vus : parce qu’ils n’auront pas beaucoup servi. Mais ça implique autre chose de pire encore : pour ne pas utiliser tous les organes qui peuvent servir et les laisser là comme ça, c’est que les donneurs doivent être vachement nombreux, sinon ils ne « gaspilleraient » pas de cette façon. Et c’est ça, finalement, la force de ce film, c’est que comme je l’ai dit il n’y a rien de spectaculaire, mais à travers les non-dits et tous ces petits détails, l’horreur n’en est que plus grande.

Il y a également la question de savoir, puisque les donneurs sont des clones – même si ce mot n’est jamais utilisé – quel genre de personnes sont leurs « originaux ». Selon Ruth, il ne peut s’agir que de personnes qui ne comptent pas, comme les sans-abris, les prostituées, les drogués, et sans doute a-t-elle raison. Moi ce que je me demande, c’est qui est au courant pour eux au juste, et jusqu’à quel point. Mais ne lançons pas le débat ici, sinon on n’en finirait plus. Ce qui est sûr, c’est que les donneurs, même s’ils savent que leurs chances sont minces, ne peuvent s’empêcher de chercher leur original, ou du moins de repérer leurs « possibles ». Kathy, qui a bien compris elle aussi qu’ils devaient être modelés sur « la lie de la société », cherche son original dans des revues pornos car elle a souvent des pulsions sexuelles.

Nous avons donc, une fois n’est pas coutume, une adaptation de roman qui est meilleure que le roman lui-même. Je pense que c’est dû en grande partie aux trois acteurs principaux, extrêmement bien choisis, qui insufflent vie et émotions à leurs personnages. Andrew Garfield est particulièrement époustouflant dans le rôle de Tommy, qui n’est rien d’autre qu’un grand enfant. Mark Romanek a sans conteste fait un travail remarquable et nous livre un film tout en émotion, en retenue et en délicatesse. Et ma foi, si vous avez vu et aimé le film mais pas lu le livre, vous feriez mieux de rester sur votre bonne impression et de vous passer d’une lecture qui risque bien de vous décevoir.

Toutefois, il y a tout de même un seul petit détail présent dans le roman qui, s’il figure bien dans le film l’est de façon détournée, ce qui est un peu dommage. Il s’agit de la scène où Kathy écoute la cassette que Tommy lui a offert, tout seule dans sa chambre, les yeux fermés, étreignant un coussin et se laissant bercer par les paroles. Dans le film, elle est bien surprise par quelqu’un, mais il s’agit de Ruth, tandis que dans le livre, il s’agit de Madame. Cela a toute son importance, quand on sait ce que Madame et Miss Emily essayaient de faire à l’époque, car la vision de Kathy lui a montré non seulement qu’elle avait une âme, mais qu’elle s’imaginait peut-être tenant un enfant dans ses bras alors qu’elle ne serait jamais maman. C’est un souvenir qui hantera Madame pour toujours et dont elle se souviendra lorsque Kathy et Tommy viendront la voir.

Un autre détail qui manque également, c’est que dans le livre, Ruth rêve un jour de travailler dans un bureau. Elle sait pourtant que ça n’arrivera jamais, mais elle fait comme si, gardant sur elle une publicité où on voit des gens travaillant ensemble dans un beau bureau et ayant l’air heureux. Cette sorte de déni par rapport à ce qu’il va leur arriver est absolument touchant.

Je pourrais aussi vous parler de Ruth et de son comportement face à Kathy et Tommy, mais je pense que cette critique est bien assez longue comme cela, pas vrai ?

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Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours (2005)
Folio, 440 pages. Traduit de l'anglais par Anne Rabinovitch. 
Titre en V.O. : Never let me go.

En écoute : Bliss _ Muse

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