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Blog d'une Serial Reader
22 septembre 2011

Kathryn Stockett, La couleur des sentiments

4172261703 « L'égalité n'est jamais acquise ; c'est toujours un combat. » (François Mitterand)

Quatrième de couverture :

Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s’occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L’insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s’enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s’exiler dans un autre État, comme Constantine, qu’on n’a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l’ont congédiée. Mais Skeeter, la fille des Phelan, n’est pas comme les autres. De retour  Jackson au terme de ses études, elle s’acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l’a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même lui laisser un mot. Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié ; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante. Passionnant, drôle, émouvant, La Couleur des sentiments a conquis l’Amérique avec ses personnages inoubliables. Vendu à plus de deux millions d’exemplaires, ce premier roman, véritable phénomène culturel outre-Atlantique, est un pur bonheur de lecture.

*****

Il y a des livres comme ça pour lesquels on sait instinctivement qu'on va les adorer, et c'est exactement ce qui s'est passé avec La couleur des sentiments. Ce superbe roman m'a fait passé d'excellents moments de lecture et j'en suis presque au point de regretter de l'avoir déjà terminé. Plein d'humour et d'émotion, il est non seulement très plaisant à lire – un vrai bonheur ! – mais il est surtout absolument passionnant et, loin de ces livres où tout peut être deviné dès les premiers chapitres, il y a ici un vrai suspense. Le tout au service d’un thème des plus importants. Honnêtement, si vous ne devez lire qu'un livre cette année, c'est bien celui-ci !

Le thème, justement, est finalement beaucoup plus vaste qu'il n'y paraît. C'est le roman d'un lieu, d'une époque, d'une société.

Il s'agit d'un roman sur le racisme et la ségrégation raciale aux Etats-Unis – plus précisément à Jackson, Mississippi – au début des années 60. C'est l'époque de Martin Luther King, mais si il arrive certes tout doucement à faire passer ses idées à Washington, dans le Mississippi, où les lois ségrégationnistes Jim Crow font autorité, il en va tout autrement. Grâce à Rosa Parks, Blancs et Noirs peuvent à présent s'asseoir où ils veulent dans le bus, mais pour le reste rien n'a vraiment changé. Noirs et Blancs ne vivent pas dans les mêmes quartiers, ne vont pas dans les mêmes écoles ni les mêmes hôpitaux, les mêmes bibliothèques, les mêmes églises... Et puis n'oublions pas la présence menaçante du Klu Klux Klan.

Mais c'est surtout un roman sur la relation amour-haine entre les riches familles blanches et les bonnes noires qui travaillent pour elles. Ces bonnes sont extrêmement importantes pour les Blanches, car disons-le clairement, que seraient-elles sans elles ? Ce sont elles qui font le ménage, les courses, qui cuisinent, qui s'occupent – ou devrais-je dire élèvent – les enfants. Les Blanches n'ont plus rien à faire sinon vaquer à leurs occupations, comme jouer au bridge, et seraient totalement perdues sans leurs bonnes. Mais malgré ça, certaines d'entre elles n'ont rien de mieux à faire que d'essayer de faire passer une loi pour que les bonnes ne puissent plus utiliser les mêmes toilettes qu'elles, au risque d'attraper leurs maladies ! Voilà tout ce que reçoivent ces femmes qui leurs préparent des petits plats, qui éduquent et aiment leurs enfants comme si c'était les leurs alors qu'elles ont parfois des enfants à elles dont elles n'ont presque pas le temps de s'occuper. Et à côté de ça, ces mêmes Blanches organisent des évènements en vue de récolter de l'argent pour les pauvres petits Africains malades sans même voir l'ironie de la chose. Toutefois, les choses ne sont bien sûr pas si simples. Lorsque Skeeter recueille les témoignages des bonnes, elle voit bien qu'il y en a autant de bons que de mauvais, preuve – Dieu soit loué ! – que Jackson n'est pas peuplé que de Miss Hilly. Certaines familles blanches considèrent réellement leurs bonnes comme un membre de leur famille et ne les renverraient pour rien au monde.

Mais je crois qu’au-delà du racisme, La couleur des sentiments parle tout simplement de la différence de manière générale. Qu’est-ce qui fait que deux personnes sont différentes ? Mais surtout, qu’est-ce qui fait que certaines personnes se sentent supérieures aux autres ? Même si ça n’est pas flagrant, beaucoup des femmes de Jackson se sentent supérieures à Skeeter car elle ne rentre pas tout à fait dans les normes aussi bien physiques que mentales de l’époque : très grande et maigre alors que beaucoup considère qu’une jolie femme se doit d’être petite, elle est allée à l’université au lieu de se marier. Lorsque soudainement elle commence à sortir avec le fils du sénateur, l’étonnement de toutes à la voir enfin avec quelqu’un et leur empressement à vouloir tout savoir comme si c’était une bête curieuse montrent bien qu’elles la considèrent comme étant à part.

Un autre thème esquissé dans le roman est la relation entre maris et femmes à cette époque. Au fonds, il s’agit encore une fois d’une époque et d’une société où les apparences comptent énormément, au point de mentir à son mari pour lui faire croire que tout va bien – cf. Miss Celia qui préfère lui cacher ses fausses-couches et souffrir en silence plutôt que de lui dire – ou qu’on est une parfaite petite femme de maison – toujours Miss Celia qui prend une bonne en cachette pour faire croire qu’elle s’occupe parfaitement de tout et est devenue un vrai cordon bleu. C’en est au point qu’au début du livre on croit dur comme fer que Mister Johnny est une horrible personne dont il faut avoir peur alors qu’il est en fait un homme des plus merveilleux. Toutefois, la violence conjugale est bel et bien traitée dans le roman avec le personnage de Minny, que seule sa grossesse protège des assauts de son ivrogne de mari et qui – attention spoiler ! – finira par le quitter une bonne fois pour toute.

Autre thème également, celui de la maternité. D’un côté, nous avons Miss Celia qui enchaine les fausses-couches alors que Minny, sa bonne, tombe de nouveau enceinte alors qu’elle est déjà mère de cinq enfants. De l’autre, il y a Miss Elizabeth qui ne s’occupe jamais de sa fille de deux ans, Mae Mobley. Elle trouve toujours quelque chose de plus important à faire et c’est à peine si elle la regarde. Mae Mobley le ressent bien évidemment et considère Aibileen, la bonne, comme sa vrai mère. Et heureusement qu’Aibileen est là pour elle, lui apprenant l’estime de soi en lui répétant jour après jour combien elle est gentille et importante, ce que sa mère ne fait jamais- et au fond ne pense même pas. Le plus ironique est que, quand Miss Elizabeth tombe de nouveau enceinte, elle est folle de joie à l’idée d’être mère une deuxième fois, alors qu’elle est loin d’être une mère pour sa fille. Aibileen, elle, a perdu son fils et considère et aime tous les enfants blancs dont elle s’est occupée comme ses propres enfants. En plus de l’estime de soi, elle essaye tant bien que mal de lutter à sa manière contre les idées racistes que leurs parents, leurs professeurs – bref, la société – finiront bien par leurs mettre en tête.

Finalement, La couleur des sentiments c’est surtout de beaux portraits femmes, car ce sont bien elles les héroïnes du roman. On rit, on pleure, on s’indigne avec elles. Non seulement c’est un vrai bonheur mais en plus ce livre est quasi d’utilité publique car, même si la situation a changé depuis, le racisme est toujours bien présent – et puis comme on dit, il ne faut pas oublier le passé. A lire ab-so-lu-ment !

*****

Quid de l’adaptation cinématographique ?LA-COULEUR-DES-SENTIMENTS1

Adaptation réalisée en 2011 par Tate Taylor, avec Emma Stone, Viola Davis, Octavia Spencer, Bryce Dallas Howard, Ahna O’Reilly, Jessica Chastain, Mike Vogel, Sissy Spacek, Chris Lowell, Cicely Tyson, Aunjanue Ellis, Mary Steenburger, Roslyn Ruff, Allison Janney et Brian Kerwin. Durée : 2h26.

Bande-annonce ici

Je n'ai pas encore eu l'occasion de la voir, mais je vous dirai évidemment ce que j'en pense dès que ça sera fait! En attendant, n'hésitez pas à me donnez votre avis sur le sujet!

*****

Kathryn Stockett, La couleur des sentiments (2009)
Actes Sud, 525 pages. Traduit de l'anglais par Pierre Girard. 
Titre en V.O. : The Help.

En écoute : Into the Dark _ James Blunt

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